Je serais bien en peine de faire une analyse tranchée sur l'interpretation des chiffres. Un rapport comme celui de SOS Homophobie vise à documenter une seule partie de ce qui se joue aujourd'hui. Il est là pour faire état des violences, les dénoncer, rendre visible un dysfonctionnement. Tout ça n'est pas voué à rendre une analyse complète des rapports qu'entretient la société avec les questions de genre et de sexualité.
En 2013, quand le mariage pour tous a été annoncé, ça a été le théâtre d'un déferlement de haine en particulier sur internet et dans la rue avec LMPT. Je ne sais pas ce qu'il aurait fallu mieux faire pour que ce soit pas ou moins le cas, mon côté pessimiste à moi me dit que chaque progrès se paye de frictions mais au fond mieux vaut en parler et frictionner que de rester dans le déni. Et le déni, c'est une phase qu'on traverse chaque fois que quelque chose dans notre histoire collective nous fait honte
Quand on demande à ce que les drames qui nous concernent ne tombent pas dans l'oublie (c'est une constante de ce genre de combat politique, faire en sorte que les évènements ne soient pas niés, que la société ne puisse pas s'en laver les mains) c'est parce qu'on veut qu'on soit obligés de se regarder en face, d'en parler et de réfléchir à ce qu'on veut comme manière d'être ensemble dans ce pays.
C'est utopique de penser que ça peut se passer sans qu'il y ait de confrontation. Bien sûr c'est un combat, bien sûr c'est difficile, parfois dramatique. Oui, il faut répéter constamment. Faire circuler l'information. S'en prendre plein la gueule. Mais à côté on en parle. On a moins besoin d'expliquer de quoi on parle, y'a un côté sujet de société qui est traité avec plus ou moins de bienveillance par des documentaires grand public, des podcast? des emissions type Plus Belle La Vie. Des agressions transphobes ont été assez médiatisés (bien que dans l'agression de Julia place de la République, on peut supposer une motivation raciste mais bon, on va pas non plus se lancer sur l'analyse de la manière dont les informations sont mises en avant et leur traitement)
Concernant internet en particulier, j'ai envie de dire que c'est dans son ADN d'être ambigu dans sa façon d'influer sur la manière dont on vie ensemble. S'il y a des minorités visibles sur internet (parce qu'il y est courant d'y afficher plus ou moins clairement des appartenances communautaires, ce qui est un peu moins dans nos pratiques au quotidien) il est logique quelque part que des groupes d'appartenance politique plus haineuses (je sais même pas les qualifier en fait tant c'est un fourre tout idéologique l'extreme droite, en particulier sur internet) leur tombent dessus. Pour la même raison que c'est un média qui favorise les comportements de harcèlement peu importe le motif de base.
En attendant, si on tape juste "trans" dans google...
On tombe en tout premier sur la page wikipédia, qu'on pourrait critiquer mais qui n'a rien d'un contenu haineux. Puis sur wikitrans.
Puis sur des vidéos de témoignages.
Puis sur les articles thématique de 20minutes qui parlent en gros de personnalité trans, de sujets d'actualité qui ont été traités par exemple sur madmoizelle et rockie.
Puis sur Amnesty.
En une seule page de recherche, tu peux avoir les bases d'une information plutôt qualitative, j'ai presque envie de dire : excellent pour les bases, et bien assez ouvert pour aller plus loin quand on veut.
J'avais étrangement jamais fait le test, mais j'en suis ravi. C'est quand même formidable que le plus important soit accessible en deux clics, quelle est cette possibilité quand on est seul dans une petite ville, sans personne a qui parler et confronté au bon vouloir des médecins, des psys, des infirmier.es scolaires, des copains à qui on se confie etc ?
Internet ça a quoi, 20 ans. C'est extremement jeune en vrai. Les problematiques qui traversent ce média evoluent chaque jour. Y'a des aspects hyper positifs, d'autres flippant, et je ne vois pasqu'est-ce qu'il y a de si compliqué à faire la part des choses entre ces différents aspects.
Je trouve par ailleurs que tu as du mal avec le sens de la nuance. Personne ne cherche à censurer des rapports qui font etat des LGBTphobies... surtout pas nous, on y aurait pas le moindre intérêt.
On a hyper conscience de ça en fait, et on a pas attendu internet pour en avoir conscience. Depuis que j'ai cinq ou six ans, sans savoir en quoi ça me touchait exactement, sans comprendre pourquoi ça me revoltait au plus profond de moi, je prenais déjà personnellement tout ce que j'entendais sur les LGBT. Toutes les remarques, toutes les blagues, je savais au fond de moi que ça me concernait d'une manière ou d'une autre. Je ne connais personne de ma communauté qui n'ai grandi dans une totale insouciance et sans un fond de crainte que quelque chose se passe mal. Même avec la soi disant transidentité comme phénomène de mode générationnel, je vois mes adelphes aussi inquiets et prudents qu'iels sont fiers en fait. Même les tout jeunes. Je ne pense pas qu'on puisse oublier ce qu'on risque ou se lover dans un faux sentiment de sécurité. C'est complètement un homme de paille : on est au courant que des gens nous détestent et veulent notre mort.
Ce n'est pas par inconscience du danger qu'on va chercher du soutien sur internet, mais c'est parce que c'est là qu'il est le plus facile à trouver. C'est là qu'il existe indéniablement. Pouvoir se sentir un peu moins seul en quelques clics, c'est une avancée formidable, hyper rassurante (et je le répète on a vraiment besoin d'être rassurés plutot que d'être avertis. Le danger on connait. L''amour et l'acceptation c'est plus rare), qui je trouve nous a rapproché à la fois les uns des autres, et avec les personnes cis et hétéro aussi, en créant des ponts entre nous, des points de compréhension. En ouvrant le dialogue.