Pour moi il y a plusieurs réponses à cette question, je vais essayer de les démêler parce que c'est un peu fouillis dans mon esprit.Pour l’effet placebo, certes il n’est efficace que sur une partie des patients. Mais pourquoi s’en priver ? Si ça marche sur 30% des gens avec 0 effet secondaire, je trouve ça déjà pas mal.
Déjà, on ne se prive jamais de l'effet placebo, puisqu'il s'additionne aussi, chez les personnes qui y sont susceptibles au fonctionnement des traitements qui est dû à leurs principes actifs. Quand tu prends un paracetamol, si tu es quelqu'un chez qui l'effet placebo fonctionne, tu as l'effet anti-douleur du paracetamol ET l'effet anti-douleur du placebo. Donc ce n'est pas placebo ou traitement, c'est placebo ou traitement + placebo.
Ensuite, il faut je pense que je précise pour que ce que je dis après soit clair: 25% à 30% des gens sont apparemment susceptibles à l'effet placebo, mais certains groupes sont surreprésentés là dedans, par exemple les enfants qui le sont bien plus que les adultes. En plus de ça, dans les études sur l'effet placebo, il est généralement mesuré par une amélioration de l'état de santé, mais ça ne veut pas dire que ça résout le problème, ni que l'amélioration est nécessairement incroyable (ex. tu peux avoir légèrement moins mal à la tête, mais toujours mal).
Ensuite, perso je trouve que c'est différent d'avoir des gens qui décident d'eux-mêmes d'utiliser l'effet placebo (par ex en prenant de l'homéopathie ou en faisant un "bisous magique" à leur enfant) que d'avoir des professionnels de santé qui décident à la place des gens d'utiliser l'effet placebo sur eux. Si je suis sage-femme et qu'une femme vient me voir en disant qu'elle prend de l'homéopathie pour ses nausées et que ça fonctionne pour elle, ben cool, ça fonctionne, rien à redire. Par contre si je suis sage-femme et qu'une femme vient en se plaignant de nausées et qu'elle me demande une solution parce que ça l'handicape, je ne trouve pas éthique de lui conseiller un truc dont je sais que le seul effet potentiel qu'elle ressentira est dû à l'effet placebo, et que ça échouera pour 3 femmes sur 4, sachant que je n'ai aucun moyen de savoir si elle est celle sur 4 qui pourrait potentiellement ressentir une amélioration, ni de combien ça améliorerait son état. Concrètement dans cette situation, soit je peux partir du principe qu'elle sait mieux que moi et que si elle s'en plaint c'est un problème pour elle, et alors il faut bien que je propose une solution dont je pense qu'elle va fonctionner, donc l'effet placebo tout seul est éliminé direct, soit je pense que je sais mieux qu'elle que c'est pas si grave et là je pourrais éventuellement lui proposer un placebo parce que je pense que c'est pas si grave.. mais je trouve cette deuxième option super problématique parce que condescendante et "patriarcale" (genre "je sais mieux qu'elle ce qui se passe dans son corps et ce qu'elle ressent et elle exagère") et que si je me plante et qu'en fait c'est grave, je suis activement en train de nuire à quelqu'un qui a un problème qu'il faut traiter et dont je ne peux pas savoir si il reviendra/quand si mon effet placebo ne fait rien. Et j'ai pris l'exemple des nausées de grossesse exprès, parce que quand on voit la proportion de femmes avec une hyperémèse gravidique à qui on a dit de prendre du gingembre, du citron et de l'homéopathie et qui risquent de finir à l'hôpital parce qu'on ne les a pas prises au sérieux.. ben ça fait pas rire les patates à la cave. Du coup je trouve problématique que des professionnels de santé conseillent/prescrivent des trucs (comme l'homéopathie) qui ne fonctionnent que par l'effet placebo.
Et le dernier point c'est que oui l'effet placebo par définition c'est cool, mais tous les traitements peuvent aussi avoir un effet nocebo, qui lui fait exactement l'inverse et cause des effets secondaires négatifs. C'est typiquement quelque chose qu'on voit dans les essais cliniques pour de nouveaux traitements: les personnes qui n'ont PAS reçu le traitement mais un placebo se plaignent d'effets secondaires négatifs à travers l'effet nocebo.
Du coup quand tu additionnes tout ça au fait que certaines personnes finissent par vraiment croire que ça peut soigner des trucs graves (ce sont des cas extrêmes et rares, mais qui peuvent avoir des issues dramatiques), ben je trouve que ça fait beaucoup d'arguments pour être très prudents autour de l'effet placebo et de son utilisation dans la santé publique..