Comment tu formules ça, hors CNV ? J’ai souvenir d’avoir pris de belles engueulades parce qu’on s’était salis avec mon frangin, à base de « J’en ai marre de passer mon temps à faire des lessives / Tu me prends vraiment pour ta bonniche » ou « Ce tee-shirt est tâché maintenant, tu ne pouvais pas faire attention ?!! ».
Oui, alors, justement, quand tu craques et que tu dis à ton gamin : hey, ton t-shirt est sale, tu pouvais pas faire attention? T'es pas en train d'invalider l'intégralité de son comportement. En vrai, tu constates que son t-shirt est crade, que çà t'irrite, et après? Tu vas pas frapper ton gamin pour çà, il va assez vite intégrer que tu râles, mais que c'est pas grave et entre-temps personne ne lui aura expliqué de manière persuasive qu'il ne doit pas se salir sous peine de provoquer la mort cérébrale de sa mère. En gros, il s'en tire toujours mieux avec un cri du cœur aussi violent que momentané qu'avec une cnv bien chargée en ondes émotionnelles culpabilisantes.
La CNV pour moi, c’est simplement une démarche qui permet d’exprimer de manière constructive ce qui de toute façon sortira à un moment (souvent de manière épidermique), ou me bouffera de l’intérieur. Elle me permet de réfléchir objectivement à ce qui me remue / dérange réellement dans la situation, de le partager (parce qu’on n’a pas tous la même échelle de ressenti) et de chercher une solution.
Un enfant, mais aussi pas de mal gens, ont des comportements, des réactions non rationnelles. La cnv me fait juste l'effet d'être une forme anormale de distanciation. Qu'on s'entende, je suis totalement pour la bienveillance. Mais la non violence comme expliquée dans cet article invite à tout légitimer avec des phrases, et franchement, y'a un moment, t'as pas besoin de réfléchir au fait que ton gosse a brûlé le t-shirt que tu viens d'acheter, faut simplement réagir. Gueuler que çà te saoule ne va traumatiser personne à part toi. Alors que si tu te mets à expliquer à quel point çà t'a personnellement martyrisée, ben oué, là, tu peux choquer et paralyser un enfant.
Hurler à Roger « Vas-tu fermer ta gueule » un jour où je ne supporte plus le son de sa voix, c’est pas constructif (même si parfois c’est efficace). Aboyer sur ses autres collègues ou ne pas se concentrer tellement on est en colère, c’est pas terrible non plus. La solution ensuite, ce sera pas forcément que Roger arrive à parler moins fort, mais peut-être qu’il bossera un peu plus de chez lui, qu’il y aura des endroits pour téléphoner, ou au contraire des bureaux « 0 bruit ».
Ben je ne sais pas, mais si je dis à Roger : "Putain, parle moins fort! Tu me saoules, tu me déconcentres, tu agaces tout le monde", c'est peut-être pas constructif de prime abord, mais c'est sincère, direct et surtout çà me demande un effort, un certain courage. Si çà se trouve, Roger va monter sur ses grands chevaux, mais il aura entendu, et s'il veut s'améliorer, la balle est dans son camp. En attendant, je suis l’agresseuse, c'est moi qui ne le supporte pas, et je l'assume. C'est un mode de communication qui ne l'oblige pas à passer pour un absolu connard. Si çà se trouve, Roger est un mec très bien, qui gueule au téléphone parce que çà le rassure de parler fort -ou c'est un authentique timide qui se fait violence, et gueule au téléphone parce que c'est la seule façon pour lui de survivre à la confrontation- ou c'est un arrogant connard qui ne pense qu'à lui- mais çà je ne le sais pas!
Dans cet exemple, c'est moi le problème, vu que c'est moi qui le regarde en râlant, c'est moi qui ne le supporte pas. Il peut se révolter sans passer pour un infâme bourreau si je l'engueule violemment. Si c'est un connard, il va m'ignorer, si c'est un grand timide, il s'en sortira mieux avec une accusation franche qu'avec des insinuations vaseuses sur le fait qu'il est globalement malaisant, et s'il n'y peut rien, ben au moins il aura réalisé que son comportement me nuit et il pourra en tirer la conclusion que je suis une connasse.
Si j'use de CNV, c'est moi la victime absolue de son comportement, et en disant devant témoins "Je suis dérangée par ton comportement, çà m'empêche de travailler, ouin, ouin", je poserais Roger en situation d'être de base le méchant de l'histoire.
La cnv, c'est , à mon avis, peu partagé, le parent pauvre de la pensée autour de la communication. C'est le degré zéro de la réflexion autour d'une communication équilibrée et efficace.
On ferait mieux de parler de bienveillance, plutôt que de non-violence. La bienveillance possède sa propre violence, et c'est très bien comme çà, mais au moins çà pose une vision du monde où l'autre existe autrement que comme bourreau.